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Petite Demoiselle


Inattendue, en pleine mer

Petite Demoiselle aime depuis toujours vagabonder à sa guise ici et là. 

C’est son tout premier printemps en tant que demoiselle, alors à cet âge là, on est encore insouciante. Souvent, elle joue avec ses cousines les libellules, mais leurs larges ailes leurs permettent d’aller bien plus loin qu’elle. 

 

Petite Demoiselle connaît déjà par cœur l’étang de Salonique où elle est née. C’est ici qu’elle a grandi en tant que larve pendant quelques années. Elle en a déjà exploré ses moindres recoins, et commence à s’y sentir un peu à l'étroit. 

Petite Demoiselle a des envies d’aventures et aimerait parcourir le monde qui l’entoure. Son rêve ? Aller jusqu’au banc de sable de l’Espiguette situé à l’entrée du port de Port-Camargue, pour se prélasser. La mer l’a toujours attirée… Paraît-il que la vue là-bas est sensationnelle: on peut voir toute la baie de Port Camargue et du Grau du roi, et même jusqu’à Sète! C’est un endroit magique: un banc de sable doux, long de 300m, recouvert d’une multitude de magnifiques coquillages qui scintillent au soleil. 

Et bien sûr la mer, présente de tous les côtés, un vrai havre de paix au coeur des senteurs iodées.

De nombreuses mouettes viennent s’y poser pour méditer au son des coquillages roulés par les vagues. Alors quand elle a vu arriver un groupe de jeunes mouettes survoler son étang, Petite Demoiselle s’est approchée de l’une d’elles en la questionnant:

"- Bonjour, où allez-vous comme ça ? 

- Nous partons vers la mer, pour atteindre le banc de sable de l’Espiguette, répond la Mouette Rieuse

- Le banc de sable? Oh, j’en rêve depuis tellement longtemps! Je peux vous accompagner ? Promis, je ne vous dérangerais pas! 

- C’est tout de même curieux pour une libellule de se rendre à la mer… Soit! Viens avec nous, par contre on décolle tout de suite!"

Elle écarte ses ailes et prend son envol, en suivant ses nouvelles amies les mouettes. En s’éloignant de son étang, elle prend une bouffée d’oxygène… quel sentiment de liberté! 

Pendant le vol, Petite Demoiselle admire ce nouveau monde qu’elle ne connaît pas encore, ses petits yeux écarquillés, avides de tout regarder.

Elle survole une route jalonnée de nombreux pins parasols, des piétons qui se promènent sur les quais, de drôles d’immeubles qui ressemblent à d’immenses paquebots. Mais le plus impressionnant c’est quand elle arrive au port et qu’elle voit des voiliers et des bateaux à moteurs à perte de vue!

C’est donc ça le port de Port-Camargue! Pas étonnant que ce soit le plus grand port de plaisance d’Europe! 

Avec les immeubles, les îlots de marinas, les pontons remplis de bateaux, les mâts nus pointant vers le ciel, les chenaux de navigation… tout est un savant mélange d’arrondis et de formes géométriques improbables. Une vraie prouesse architecturale! 

Petite Demoiselle arrive jusqu’à une sculpture plutôt étrange aux arêtes pointues, ressemblant vaguement à un homme-oiseau communément surnommé « la Mouette ».

Et, derrière les digues qui marquent l'entrée du port, elle la voit enfin… la Mer: bleue profonde, de l'eau à perte de vue jusqu’à l’horizon...

Devant cette immensité et le mouvement constant des vagues lumineuses qui ondulent sur la mer, Petite Demoiselle est comme émerveillée. Elle frissonne de bonheur! Elle n’avait jamais vu autant de reflets et de couleurs...

Mais rapidement, elle voit ses amies les mouettes prendre de l’avance et sent peu à peu la fatigue la gagner… 

Avec leurs larges ailes en plumes, les mouettes ont l’habitude de parcourir de grandes distances. Petite Demoiselle essaye de battre ses toutes petites ailes aussi fort qu’elle le peut, mais elle commence à s’épuiser. Sa vue se trouble et elle distingue à peine l’îlot de sable jaillissant hors de l’eau, situé à quelques mètres d’elle. Elle perd de l’altitude et voit ses petites pattes s’approcher dangereusement de la mer. Elle y est presque! Pourtant elle ne réussit pas à atteindre le banc de sable à temps…épuisée de fatigue par ce long trajet, elle se laisse glisser dans l’eau et s’évanouit sous le choc. Quand elle reprend ses esprits, elle se retrouve au milieu de la mer au goût de sel, incapable de soulever ses ailes imbibées d’eau. Elle est à présent prisonnière, comme enchaînée à cette mer qu’elle désirait tant découvrir. Elle cesse alors de se débattre et se murmure intérieurement «Qu’elle ironie du sort, moi qui voulait voir la mer! ».

 

Et, un miracle se produit: elle distingue la silhouette d’une jeune femme à la peau foncée qui s’approche d’elle. 

«Oh regardez, une petite demoiselle! Mais que fais-tu ici en pleine mer? ».

Comprenant sa détresse, la jeune femme extirpa rapidement Petite Demoiselle à l’aide d’un coquillage ramassé au fond de l’eau.

Petite Demoiselle reste un instant immobile regardant la jeune femme et l’écoute parler attentivement: «Et bien dis donc Petite Demoiselle, toi tu as dû un peu trop t’éloigner de chez toi! »

«Oui, j’ai été bien imprudente, je n’aurais pas dû partir aussi loin, merci à toi de m’avoir sauvée! », lui répond Petite Demoiselle. 

 

La jeune femme rejoint la plage, et s’assoie sur le sable sec , toujours le coquillage dans sa main, en contemplant Petite Demoiselle revenir à elle. 

En étirant ses ailes dans tous les sens, l’eau de mer se délie. Petite Demoiselle laisse le soleil sécher son corps encore mouillé. Elle regarde autour d’elle, et réalise qu’elle se trouve bel et bien sur le banc de sable…! Elle soupire de soulagement, éprouvée par son voyage qui aurait pu mal se terminer. Quand elle sent ses forces la regagner, elle salue une dernière fois sa bienfaitrice avec gratitude et s’envole retrouver ses amies les mouettes. 

Petite Demoiselle se promit à elle même d’attendre d'être plus aguerrie, avant de repartir aussi loin. A présent, elle va pouvoir contempler ce paysage féerique qui la faisait rêver depuis toujours. 

 

Après avoir sauvé Petite Coccinelle des eaux bleues de la piscine, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir Petite Demoiselle en pleine mer, loin de son lieu de prédilection habituel. Il a fallu que je rencontre Petite Demoiselle à ce moment précis, alors que j’étais en train de me baigner sur le banc de sable avec mes parents et mes filles. Elle aurait pu tomber trois mètres plus loin, et je ne l’aurais même pas vu. 

On dit que les jolies demoiselles ou les libellules ont une vibration magique et mystérieuse. Elles apportent la lumière à ceux qui sont en quête du bonheur et de joie intérieure. Symbole de changement et de transformation, elles nous rassurent et nous accompagnent comme des guides spirituels. 

 

C’est étrange tout de même, moi qui ai toujours eu «peur » des insectes en général, me voilà à un mois d’intervalle devenu la sauveuse des insectes en détresse. C’est comme si je faisais connaissance avec un nouveau monde qui auparavant me semblait inquiétant, et étrange. Et bizarrement, c’est ce monde des insectes qui vient à ma rencontre, de façon incongrue. Il s’impose à moi, tout doucement, naturellement. Alors je garde la porte ouverte, et je laisse les choses se faire, puisque j’y éprouve du plaisir. Chaque nouvelle rencontre m’apporte beaucoup, elle m’offre un nouveau regard sur cet étrange monde du tout petit, et parallèlement sur moi même. Je commence tout doucement à les apprivoiser, et de ce fait à les aimer. 



« - [...] Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?

- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..."

- Créer des liens ?

- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon

tout semblable à cent mille petits garçons.

Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus.

Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards.

Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre.

Tu seras pour moi unique au monde.

Je serai pour toi unique au monde… [...] »

Le Petit Prince, d’Antoine de Saint-Exupéry

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Elo (mercredi, 10 juin 2020 15:37)

    Encore une magnifique histoire, racontée à merveille ! Chaque mot choisit, chaque émotion ressentie que tu partages avec nous, nous tient en haleine et nous donne envie d'aller plus loin dans cette belle histoire !
    J'ai hâte que Chloé soit plus grande pour lui lire les jolies histoires de sa tatie !

  • #2

    Chantal (mercredi, 10 juin 2020 16:54)

    Une histoire qui harmonise l'imaginaire l'insolite et la spiritualité. j'ai d'abord été surprise par la photo, je n'ai pas reconnu tout de suite le coquillage. Que fait cette libellule sur cette sphère bizarre rayée et luisante ? Je pars en voyage et en rêve sur les ailes de Petite Demoiselle mon guide touristique avec qui j'admire d'en haut les paysages et les petits ports maritimes. Puis soudain c'est le drame, les ailes qui n'en peuvent plus, la noyade prochaine. Alors j'ouvre les yeux et je vois Petite Demoiselle, la Libellule de mon rêve échouée sur le sable et une jolie jeune femme à la peau brune qui tend vers Petite Demoiselle un coquillage qui ressemble étrangement à la sphère rayée et luisante, la Libellule grimpe confiante sur le coquillage pour sécher ses ailes, Petite Demoiselle et la Dame Brune me semblent sorties toutes deux d'un monde féerique et mystérieux où insectes et humains se choisissent pour nouer une amitié insolite ... suis-je restée un peu trop au soleil ?, mon imaginaire a-t-il créé ce mirage ? en tout cas, rêve ou réalité, j'ai fait une belle rencontre et mon âme d'enfant attend déjà la prochaine.

  • #3

    Rodrigues raymonde (mercredi, 10 juin 2020 22:52)

    Merveilleuse histoire...un grand plaisir à la lire..noémie peut être fière de sa maman..tu es formidable ma belle fille adorée..j'attend avec impatience ta prochaine histoire..que du plaisir.

  • #4

    Laurine (samedi, 04 juillet 2020 11:46)

    Je raconterai cette histoire à ma fille quand elle sera plus grande.
    Ça serait génial un jour de mettre toutes ces jolies histoires sur papier avec les photos ou des dessins sous forme de petit livre que le enfants peuvent garder à leur chevet